Redécouvrons aujourd’hui, parmi les vedettes de notre dernier numéro hors-série, l’AX Sport, confiée à la semelle de plomb de Françoise Sagan en plein Paris. Une bombinette énervée pour un charmant petit monstre…
Françoise Sagan n’a jamais entendu parler de « transports doux », de limitation à 30 km/h en ville, d’écoconduite ou de pause qui s’impose toutes les deux heures. La romancière a traversé sa vie comme elle conduisait : à fond. « Qui n’a jamais aimé la vitesse n’a jamais aimé la vie – ou alors, peut-être, n’a jamais aimé personne » écrivait celle que François Mauriac a surnommé le « charmant petit monstre ». Propulsée sur le devant de la scène médiatique en 1954 à seulement 18 ans suite au succès foudroyant de son premier roman, Bonjour Tristesse, elle claque son cachet dans l’achat d’une Jaguar XK120 roadster dont la légende nous dit qu’elle la conduisait pieds nus. Aucun écrivain n’a peut-être décrit mieux que ce petit bout de femme l’ivresse procurée par les allures folles : « la vitesse rejoint le bonheur de vivre et, par conséquent, le confus espoir de mourir qui traîne toujours dans ledit bonheur de vivre. »
Le 13 avril 1957, l’accident de l’indomptable Sagan en Aston Martin DB2/4, « une voiture un peu lourde pour une femme » dira-t-elle, lui vaudra un long traitement à la morphine qui lui laissera une addiction à diverses drogues plus ou moins dures, mais la fureur de vivre (et de conduire des voitures puissantes) ne l’a quittera pas de sitôt. « Je ne vais pas commencer à vivre comme un croûton parce que je suis soi-disant une intellectuelle, ça me fatigue ». Nous la retrouvons, égale à elle-même, dans cet insolite reportage du journaliste et écrivain James Clive, issu de son documentaire Postcard from Paris, diffusé en janvier 1989 sur la chaîne britannique BBC1. De passage à Paris, Clive se soumet à un entretient d’un genre bien particulier, à bord d’une AX Sport conduite par Sagan, laquelle parle un anglais approximatif. La voiture lui a été prêtée par Citroën, sans doute peu regardant sur l’état de retour du véhicule. Car à 54 ans, malgré les marques des excès, le petit monstre conduit toujours à tombeau ouvert et sans ceinture de sécurité…
Ce qui n’a pas dû rassurer son passager ! Entre deux refus de priorité et un accrochage avec un piéton dont elle percute l’attaché-case, le mythe de la littérature française revient sur son accident en Aston Martin, qu’elle attribue à une perte d’adhérence sur le sable, et son goût immodéré pour la vitesse. « La vie est trop lente » lance-t-elle, fidèle à sa légende, comme un doigt d’honneur à notre triste époque…
Texte Laurent Berreterot
Génial de voir ce genre de reportage ! Le journaliste est resté flegmatique, mais il a dû être soulagé en descendant ! Par contre, quelle liberté de circuler dans les rues de Paris à cette époque ! À côté du carnage d’aujourd’hui, cela fait rêver !!
Super
Le bon vieux temps!
Une forme d’insouciance naïve fort agréable où la notion de risque (d’accident) n’avait pas le dessus et où les voitures avait une âme.
Mais quand même, je préfère Mme Sagan dans ses livres que sur la route.