Au pays de l’artisanat automobile et des voitures anciennes vendues neuves, rien n’est vraiment impossible, même la reprise de fabrication d’un modèle appartenant à l’Histoire. En témoigne la RV8, MGB « ressuscitée » par Rover en 1992…
Par Laurent Berreterot
Ah, la MGB : ses lignes glamour, son parfum d’insouciance… et ses cloques de rouille ! Malgré l’émoi soulevé chez ses nombreux amateurs à l’arrêt de sa fabrication et la tentative avortée d’Aston Martin d’en reprendre le cours, en 1981, l’image du petit roadster anglais était devenue plutôt rassise au début des années 1980. Mais de creux de la vague en nouvelle vogue, l’Histoire n’est qu’un perpétuel recommencement. A l’aube de la décennie 1990, le coup de génie de la Mazda MX-5, sorte de Lotus Elan moderne portée par la mode rétro, aiguillonne un Rover Group de plus en plus occupé à rhabiller des Honda aux couleurs locales. Qu’un constructeur étranger s’approprie la mythologie britannique, cela a dû en agacer plus d’un. D’autant qu’à terme, la MX-5 va ravir à la MGB son titre de voiture de sport la plus vendue de l’Histoire (en cumulant toutefois plusieurs générations). Ainsi naquit l’idée de ressusciter la MGB, projet validé par Rover en juin 1991.
Des résurrections, le Royaume-Uni en a certes déjà connues avec le retour des Mini Moke et Cooper, à ceci près qu’elles émanent d’une série ininterrompue depuis 1959. Or la carrière de la « B » s’est bel et bien terminée en 1980 avec la fermeture de l’usine d’Abingdon et le démontage de l’outillage industriel. Le miracle tient à l’entremise du British Motor Industry Heritage Trust, la dynamique division patrimoniale de l’ex-empire British Leyland, rattachée depuis à Rover Group. En 1989, alors que chez nous, Citroën répudie son passé et s’apprête à tuer la 2 CV (nous y reviendrons), le BMIHT relance la production de caisses nues pour MGB roadster. Un noble geste envers les victimes du cancer oxydant et un premier pas vers la commercialisation d’une voiture sans instruction de montage ! Avec un budget limité mais un admirable panache, Rover concocte dès 1991 un premier prototype. Dernier vestige des années 1960 ayant jadis animé la « B » en configuration fermée dite « GT », le V8 ex-Buick, réservé depuis aux Land et Range Rover, est enfilé au chausse-pied dans le petit roadster. Fort d’une cylindrée confortable de 3,9 l et d’une injection électronique remplaçant les carburateurs SU, il développe 190 bhp, comme sur la Morgan Plus 8, ce qui autorise le 0 à 96 km/h en 5,9 secondes. Bien sûr, comme au bon vieux temps, l’essieu arrière demeure rigide et les ressorts postérieurs, semi-elliptiques, la direction n’étant en outre pas assistée. Qu’importe puisque la presse claironne de concert : « MG is back ! »
La désirée se montre au salon de Birmingham d’octobre 1992 sous le patrimoine de MG RV8. R comme Rover, Renaissance ou Rococo ? Car l’ex-roadster populaire, autrefois plutôt sportif et spartiate, pastiche maintenant les Rolls dans une orgie de bois précieux et de cuir beurre frais, comme si sa fabrication n’avait jamais cessé et qu’il s’était embourgeoisé avec sa clientèle, à l’image d’une Jaguar XJS un peu trop botoxée sur la fin. Et non contente d’être pleine comme un œuf, la RV8 en rajoute avec ses ailes bodybuildées, ses moulures de bas de caisse et ses gros boudins pneumatiques à flancs hauts, les phares globuleux empruntés à la Porsche 911 donnant à l’engin l’expression rigolote du batracien voulant se faire plus gros qu’un bœuf. Car la RV8 n’est somme toute pas plus grande qu’une Renault Clio 1 ! L’auto est assemblée de façon artisanale dans l’usine de Cowley, à quelques encablures des chaînes produisant les Rover 600, 800 et Montego. Sans surprise, le prix élevé de 26 000 livres Sterling, qu’il faut comparer aux 15 000 demandés à l’époque par une MX-5 1.6 ou aux 17 000 d’une Alfa Spider, la cantonne à la marginalité. D’autant qu’elle n’existe qu’en conduite à droite, ce qui permet toutefois à Rover de la proposer sur le marché nippon. Elle fait d’ailleurs un malheur au salon de Tokyo d’octobre 1993. Tant est si bien que 80 % de la production trouve preneur au pays du Soleil-Levant, 15,5 % restant au Royaume-Uni et 4,6 % en Europe occidentale. Bien que non officiellement commercialisée en France, au moins une RV8 a été la propriété d’un cadre de Rover France. C’est l’exemplaire que le magazine Rétroviseur a immortalisé entre la MGB et la « F » dans son numéro 93 de mai 1996.
Un peu moins de 2 000 RV8, les trois quarts ayant été peints en vert anglais ou vert foncé, auront été fabriqués entre mars 1993 et novembre 1995. L’opération, réalisée avec de petits moyens, a été surtout médiatique, le véritable enjeu pour Rover étant de préparer le terrain au vrai retour de MG, lequel s’effectue avec la « F », dévoilée au salon de Genève en mars 1995, trente-trois ans après la « B » ! Et il ne s’agit plus cette fois-ci d’une curiosité folklorique, certes pleine de charme, mais d’un roadster moderne à moteur central, bien dans son époque et relativement bon marché. Ce qu’en somme, MG n’aurait jamais dû cesser de faire !
0 commentaires