Ce mois-ci, dans la rubrique Mission Young, la rédaction fait étalage de ses pires folies automobiles. Pour aggraver mon cas, je ne résiste pas à la tentation de vous en livrer une supplémentaire, unique au monde qui plus est…
Texte Laurent Berreterot
Dans les années 1990, la division des commandes spéciales de Rolls-Royce et Bentley, Mulliner Park Ward, fonctionne à plein régime grâce justement aux folies du frère cadet du sultan de Brunei (voir Youngtimers n°107), mais pas seulement. En 1996, Carlo Talamo, importateur Rolls-Royce et Bentley pour l’Italie commande une Continental R bolidée dans l’esprit des Blower Bentley victorieuses au Mans dans les années 1920. A la différence des « spéciales Brunei », conçues et livrées dans le plus grand secret ou presque, cet exemplaire unique a servi de vitrine au savoir-faire de ses constructeurs. Au menu, un luxe de détails suggérant la compétition sans y toucher le moins du monde.
L’auto combine l’empattement long de la Continental R avec les jantes et arches de roue élargies de la T. Capot et masques de phares en aluminium poli contrastent avec la caisse vert milanais. Des ventilateurs jaunes s’exhibent à travers le grillage du radiateur étendu à l’emplacement des deux phares internes, ici supprimés. Deux prises d’air NACA et un bouchon de réservoir façon course complètent la tenue de combat. Sur les portières, une estampille circulaire blanche suggère la possibilité d’ajouter un numéro de course. Dans cette hypothèse, une préparation moteur réalisée par Cosworth, société également détenue par Vickers, maison mère de Rolls-Royce et Bentley à cette époque, porte la puissance du V8 6,75 l mono-turbo de 385 à 425 ch. En dépit d’une ligne d’échappement sport, monsieur Talamo n’a cependant pas jugé nécessaire de toucher à la suspension – et au roulis ! – d’origine.
L’habitacle associant cuir noir matelassé et aluminium bouchonné joue la carte du dépouillement calculé. On a supprimé airbag, accoudoirs de porte, autoradio, pare-soleils, couvercle de boîte à gant, console et sièges arrière. Le gain s’élève à 200 kg… mais il en reste encore 2 200 ! La mise en scène inclut un harnais de sécurité interne et une ébénisterie simplifiée ceinturant tout le cockpit. Un nouveau sélecteur de vitesse coudé à bout arrondi se rapproche du conducteur. L’auto a coûté 500 000 livres sterling, soit le double d’une Continental R ordinaire. Elle fait la une du magazine Autocar en avril 1997.
Conçue à une époque où les Bentley n’intéressaient pas encore les footballeurs, cette Continental totalement hors norme possède encore le charme suranné d’une machine victorienne qui m’évoque des comparaisons d’avantage ferroviaires qu’automobiles. De sorte qu’une Ferrari telle que la 550 Maranello contemporaine (voir Youngtimers n°136) apparaît à côté presque raisonnable, sinon rationnelle…
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