Remplacer un modèle iconique a toujours comporté un risque. En témoigne le semi-échec de la Peugeot 407 Coupé, considérée par la postérité comme l’héritière controversée du chef d’œuvre qu’est la 406 Coupé. Mérite-t-elle pour autant l’opprobre ?
A la suite d’Alfa Romeo, de Fiat ou de Volvo, Peugeot a su renouer avec la tradition des coupés de grande série grâce à la 406 Coupé, présentée au Mondial de l’automobile de 1996, 13 ans après la fin de fabrication de la 504 équivalente. Comme la 504 et la 404 avant elle, elle a été dessinée et sous-traitée chez Pininfarina. Mieux, le prestigieux carrossier-constructeur turinois en a assuré l’intégralité du montage, aux côtés notamment de l’Alfa GTV 916, dans ses usines de Grugliasco et San Giorgio Canavese près de Turin. Un retour gagnant pour ce chef d’œuvre d’agressivité fluide, dessiné entre 1992 et 93 sous la direction de Lorenzo Ramaciotti par Davide Archangeli, jeune talent de 22 ans. Il a su habilement concilier des proportions de coupé à l’empattement de 2,7 m de la berline 406, imposé par le cahier des charges, en jouant notamment sur la poupe ramassée, l’abaissement du pavillon (- 5,8 cm) et l’allongement du porte-à-faux avant (+ 6,2 cm). Le résultat des plus racés a fait date et suscité la comparaison récurrente avec la Ferrari 456 GT, même si les différences abondent dans le détail, sans parler bien entendu des moteurs ! Avec sa ligne de caisse ondulante, son becquet émergeant du coffre ou ses félines optiques en amende surmontant la ferrarissime entrée d’air, elle va vite même à l’arrêt. Et on peine à croire que ce dessin iconique va sur ses trente ans !
On dénombre 107.631 coupés 406 fabriqués entre 1997 et 2004 sur un contrat initial de 70.000 voitures. Un incontestable succès pour un véhicule de niche, même s’il n’égale pas la performance des 238.647 Opel Calibra. Ce succès doit aussi à l’introduction en 2001 d’une version diésel, laquelle avait consterné l’éditorialiste de Sport Auto à l’époque. Le diésel a pourtant atténué le tassement des ventes dans une niche bien connue pour ses réussites éphémères ou saisonnières ! De quoi prolonger l’aventure avec un dérivé du modèle suivant, la 407, pour lequel Peugeot ambitionne un positionnement plus haut-de-gamme, en taille comme en prix, et un nouveau V6 diésel inédit demandé par un marché que les « mazouts de prestige » ne choquent plus. Autre différence, la production est rapatriée en France, dans l’usine de Rennes-la Jamais. Enfin, le style fait l’objet d’une mise en concurrence entre Pininfarina et le centre de style Peugeot dirigé par Gérard Welter, lequel remporte la confrontation. Son équipe applique au nouveau modèle l’esthétique très agressive des prototypes RC, sortes de berlinettes Alpine revisitées par Peugeot à l’occasion du Mondial 2002. La fortune n’a cependant pas souri au Lion puisqu’on ne compte qu’environ 36.000 coupés 407 coupés produits entre 2005 et 2012, soit près de 3 fois moins que de 406. Si le segment des coupés M2, sur lequel Renault arrivera trop tard avec la Laguna III, décline déjà au profit des SUV, on s’accorde à considérer la 407 Coupé comme beaucoup moins belle que son illustre aînée, voire carrément ratée. Bref, voilà une proie facile pour les palmarès « putaclic » des « pires voitures… » !
Ce qui surprend de prime abord en comparant les deux coupés, c’est le côté très massif de la 407. Plus longue de 21 cm et plus haute de 5 cm, chaussée de roues de 18 pouces au lieu de 16, la cadette renvoie la 406 dans la catégorie inférieure. Le raccord caractéristique du pare-brise au capot, les glaces de portière sans encadrement et la lunette arrière enchâssée demeurent, mais la ceinture de caisse tirée au cordeau n’ondule plus. Comme sur les RC, les optiques atrophiées remontant sur les ailes et la gueule de lion béante se font menaçantes tandis que la poupe massive intègre dans son volume un béquet arqué. Seulement, ce qui fonctionne très bien pour les RC marche moins bien avec la 407 en raison d’un empattement à peine supérieur à celui de la 406 (+ 2 cm). En résultent des portes-à-faux disproportionnés et une assise longitudinale fragilisée bien qu’atténuée, à l’avant, par le trompe d’œil des branchies factices. La lionne tient plutôt du requin et affiche les mêmes mensurations que le grand squale de BMW, la série 6 E63/E64 alors qu’elle visait plutôt la clientèle de la série 3 coupé ! Notons d’ailleurs qu’un coupé 607, dont le musée de l’Aventure Peugeot a montré la maquette roulante, a été envisagé. Ce projet plus en cohérence avec la taille du nouveau coupé, a-t-il été mis en balance avec la solution 407 ?
Étonnamment, le coupé 407 Coupé, qui possède un moteur transversal, a un porte-à-faux avant plus long que celui des BMW aux 6-cylindres et V8 longitudinaux ! En fait, cette Peugeot a des proportions de Citroën, proportions imposées par la même plate-forme PF3 que la C6 avec qui elle a partagé la mini-chaîne spéciale petites séries de Rennes-La Janais. Celle avec le parquet au sol ! Du reste, PSA était un peu trop obsédé à l’époque par les cinq étoiles du test Euro-NCAP, véritable juge de paix sécuritaire dont les stylistes ont pâti du diktat. Les choses n’auraient guère été différentes si la proposition de Farina l’avait emporté. La maquette italienne récemment vendue aux enchères par l’Aventure Peugeot en atteste ! La 407 partage aussi avec la grande Citroën le train avant à pivot découplé, une conception très Citroën que la C6 aurait dû inaugurer si sa sortie n’avait pas été différée. De fait, si Citroën a été très « peugeotisé », l’inverse, dans une moindre mesure, est aussi vrai. Voyez, entre autres, le train arrière de la 305 Break, inspiré par celui des GS et Y, ou l’essieu arrière à effet auto-directionnel, passé de la ZX à la 306 !
Les immenses portes de la 407 pèsent plus lourd encore que celles de la 406. A bord, nos deux coupés reprennent la même planche de bord que les berlines dont ils dérivent, mais les généreux fauteuils spécifiques marquent une différence de statut. Le choix d’un cuir partiel, limité aux assises et dossiers se voit un peu trop sur la 406. A bord de la 407, l’habillage cuir lie de vin de la planche de bord avec surpiqûres flattent l’œil, tout comme la graduation plus recherchée des compteurs et les décors en faux-alu, plus crédibles que les pauvres baquettes en plastoc grisâtres de la 406. La position de conduite et le maintien des fauteuils ont progressé sur une 407 également plus grande de l’intérieur. Le pare-brise se fait plus lointain mais les massifs montants gênent la visibilité. Du reste, la 407 emmène de nouveaux équipements comme le réglage électrique de la colonne de direction, un accoudoir central type C6 (sans toutefois son moelleux rembourrage), une boîte automatique à mode manuel, des radars de recul ou un ordinateur de bord digne de ce nom. Cependant, rien ne vieillit plus mal que l’électronique embarquée (GPS sur CD-Rom). Le temps des automobiles n’est pas celui des smartphones et je préfère pour ma part l’essentialisme « primitif » de la 406.
La 406 a représenté un étalon en terme de compromis confort-tenue de route. La 407 respecte la tradition. Ses liaisons au sol, surdimensionnées par rapport à la puissance comme le veut la tradition française, la verrouillent au sol et l’on se surprend à virer à des vitesses élevées en courbe. La route paraît simplement plus étroite qu’avec l’aînée. Attention aux extrémités de la voiture encore plus exposées que celles de la 406, même si les radars de recul veillent ! Là-aussi, on change de gabarit, et la différence de ressenti entretient l’illusion de la sportivité sur la plus fluette 406, mais ne vous méprenez pas, elle ne se prête pas plus que la « grosse » aux glissades de l’arrière. On ne demande pas ce la à une GT. Sur la 407, les moteurs 2,2l de 163 ch, V6 3l de 211ch et 2l HDI de 136 ch n’ont pas suffisamment évolué pour compenser les 200 kg supplémentaires à animer. De fait, elle semble n’avoir été pensée que pour le très répandu V6 diésel 2,7l de 204 ch aux massifs 440 Nm de couple atteints dès 1900 tours/minutes. Le plébiscite du diésel par les clients française a d’ailleurs donné à la 407 Coupé le titre de première GT uniquement vendue en diésel à partir de 2009. On aurait certes préféré plus glorieux…
La 407 Coupé n’a clairement pas occulté la 406. La cadette semble prédestinée au rôle de la XJS par rapport à la type E chez Jaguar. Oui, elle est moins belle, mais moins beau ne signifie pas laid et dire que cette auto manque d’allure ou est affreuse me paraît juste excessif. Les carrosseries sur-dessinées des années 2010/2020 rendent même justice rétrospectivement au dernier grand coupé Peugeot en date. Un statut qui justifie à lui-seul que l’on s’intéresse à ce modèle mal aimé. Alors, si je garde la 406, je reconnais à la cadette sa finition plus haut-de-gamme et surtout la possibilité d’avoir une sixième vitesse avec le V6 à essence, en manuelle comme en automatique. Ajoutez à cela des tarifs encore au creux de la vague et vous obtiendrez une alternative « économique » très défendable à la plus désirable Peugeot des années 90/2000.
Merci à Maxime pour sa disponibilité et le prêt de sa 407 Coupé durant cette belle journée girondine
Texte et photos : Laurent Berreterot
Excellent article !
Très bon article réfléchi et objectif. Bravo.