Sous la panoplie de la MG ZS, essayée ce mois-ci dans Youngtimers, on a du mal à reconnaître la série 400 type HHR, dernière Rover clonée d’une Honda. Une « chariotte » à l’image vieux jeu comme Maurice et Gisèle, qui tentent de la conduire dans cette scène culte des Visiteurs 2… Dans cette comédie jouant au quiproquo historique, Maurice et Gisèle arrivent au relais-château de Montmirail en Rover 420 Si Lux. Le regard médisant, le chapeau sénile et le guide Gault & Millaut sous le bras, ils attendent naturellement un bagagiste. Malheureusement pour eux, ils tombent sur Godfroy de Montmirail et son écuyer Jacquouille la Fripouille tout droit venus du Moyen-Age ! Gisèle, interprétée par Sylvie Joly, donne la réplique à un Maurice campé par Jacques François, bien connu pour ses seconds rôles de grand pète-sec droit dans ses bottes, des Aventures de Rabbi Jacob à l’Opération Corned Beef en passant par Le Gendarme et les Gendarmettes.
Le choix de la Rover pour ce couple caricatural cadre avec l’image de la marque britannique à la fin des années 1990. Car à force de jouer aux petites Jaguar sans le côté sportif, les Rover sont devenues séniles. Y compris outre-Manche où les trublions de Top Gear vont faire de Rover l’une de leurs têtes de Turc favorite. Le rétro-design, le cliché usé des intérieurs bois et cuir ou le slogan publicitaire « Relax, it’s a Rover » n’ont certes pas aidé à remonter la pente… Pourtant, grâce au partenariat avec Honda découlant des accords entre le japonais et British Leyland, en 1979, Rover Group dispose dans les années 1990 d’une gamme complète et (presque) moderne composée des séries 100, 200/400, 600 et 800. La compacte 200 (bicorps) ou 400 (tricorps) de type « R8 » dérivée de la Honda Concerto avait permis à Rover de détenir près de 2% du marché français en 1992 grâce à une politique commerciale agressive et aux diésels d’origine PSA. Sa remplaçante, codée « HHR », s’appellera série 400 en bicorps comme en tricorps, une nouvelle 200 spécifique, codée « R3 », se plaçant à cheval entre les catégories des compactes et des citadines. Les journalistes qui découvrent la 400 type HHR en mars 1995 ne voient rien d’autre qu’un clone de la Honda Domani japonaises et de son équivalent européen, la Civic 5 porte. Et ce même si la reprise de Rover Group par BMW a mis fin à la collaboration avec Honda.
Pour la nouvelle série 400 fabriquée dans l’usine ex-Austin de Longbridge, des royalties continueront simplement à être versées au japonais, celui-ci produisant la Civic 5 portes également en Angleterre dans sa propre usine de Swindon. En réalité, la HHR n’est pas un clone parfait puisqu’elle fait appel à des moteurs K (414/416i), T (420i) ou L (420 D) de conception britannique. De sorte qu’il n’y a plus que la 416 automatique à disposer encore d’une mécanique Honda, en l’occurrence, le D16 bien connu sur l’ancienne génération de 216/416. Question design, en revanche, la marge de manœuvre des anglais se réduit à rajouter un peu de chrome ou un peu de bois, de-ci de-là, à une bicorps quelque peu insipide à l’arrière inélégamment tronqué. Dommage, car la connexion japonaise apporte des trains roulant à double triangulation à l’avant et bras multiples à l’arrière qui auraient mérité meilleur écrin.
Début 1996, la version tricorps redessinée par l’équipe de Richard Wooley, plus élégante, plus équilibrée et surtout sans équivalent chez Honda, joue les petites 600 mais n’infléchit guère le manque d’enthousiasme pour cette voiture. Elle fait malgré tout l’objet d’une politique de marges élevées en rupture avec les promotions permanentes pratiquées avec la génération précédente. Rover fait désormais partie du groupe BMW et affiche des prétentions « premium », mais la clientèle ne suit plus. En 1998, la vieillissante Ford Escort se vend deux fois plus au Royaume-Uni que la 400… A défaut de version sportive (réservée pour l’heure à la 200), Rover a tôt envisagé de rendre la HHR plus excitante en montant le récent KV6 2,5l, moteur lui-aussi britannique (mais cofinancé par Kia) qu’a inauguré la 825 en 1996. La 425 V6 présentée en 1997 au salon de Francfort n’aura cependant pas de lendemains immédiats. Elle ne se concrétise que dans la seconde moitié de carrière de la HHR, rebaptisée Rover 45 fin 1999 lors de l’adoption de la face avant « rétro » façon 75. Le KV6 redescendu à 2 litres développe 150 ch et n’est disponible qu’en boîte automatique. C’est encore le grand sommeil. Il faut attendre la revente brutale puis le dépeçage de Rover Group par BMW, en mars 2000, pour que la nouvelle entité MG Rover se décide à exploiter les pleines potentialités offertes par une HHR à moteur V6. Cela donnera la MG ZS 180, et le moins que je puisse écrire, c’est que je n’ai pas reconnu l’auto de Maurice et Gisèle au volant !
Texte : Laurent Berreterot
0 commentaires